portrait de la princesse palatine dite madame pour illustrer une lettre de sa correspondace dédié aux miracles

Les Bons Mots de la Palatine : Madame ne croit pas aux miracles

 

Qu’on l’aime ou qu’on la déteste, le moins qu’on puisse dire c’est qu’Élisabeth-Charlotte du Palatinat (Elisabeth Charlotte, Prinzessin von der Pfalz en VO allemande), plus connue sous le nom de « La Palatine », a été une des grandes gueules de son époque.
Louis XIV la qualifiait d’ailleurs lui-même comme telle !

Quand elle débarque à Versailles à l’âge de 19 ans, cette seconde épouse de Philippe d’Orléans, dit « Monsieur », frère du Roi, a déjà l’esprit et la plume sacrément aiguisés et entend bien s’en servir !

Prolixe, on estime que « Madame » entretint une correspondance de plus de 60,000 lettres à travers toute l’Europe, dont on a (malheureusement) pu conserver à ce jour qu’un petit dixième.
Mais quel dixième !!!!

La plupart des lettres de la Palatine sont de véritables petits bijoux d’humour et de sarcasme saupoudrés de mots crus sur les personnes, le us et coutumes et les petits maux de la vie de cour.

Quand la Palatine aimait : elle le disait.
Quand la Palatine n’aimait pas : elle le disait aussi… et sans chichi !

« Je suis trop franche pour écrire autrement que je ne pense »
Et on vous en remercie chère Madame !


Pétillante, drôle, avisée, droite, indépendante, parfois triviale et sans complaisance mais toujours juste dans ses affections ou ses ressentiments, celle qu’on a surnommé l’ « Océan D’encre » méritait bien que PCPL lui dédie une rubrique !


Les Bons Mots de la Palatine

« Madame ne croit pas aux miracles ! »

La Palatine – Sophie de Hanovre – 18 Avril 1709


Lorsqu’on la marie à Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, suite au décès de sa 1ère épouse, Liselotte, telle que la surnommait le Roi Soleil, ne doit pas uniquement quitter son Palatinat pour Versailles.

Elle doit aussi quitter sa religion pour le Catholicisme.

Or, celle qui est née Calviniste aura toute sa vie durant, bien du mal avec les bondieuseries extatiques et le fera bien savoir… même à qui de droit !


… Je suis comme vous, de ma vie je n’ai pu comprendre l’Apocalypse.

Mon confesseur est raisonnable en tout, sauf en ce qui a trait à la religion.
Il en a une bien sotte et pourtant, il a de l’esprit : c’est l’éducation qui est cause de cela.

Il est tout autre que mes deux précédents confesseurs, le père Jordan et le père de Saint-Pierre.
Ils convenaient des bagatelles et des mauvaises choses qu’il y a en cette religion-ci, mais celui-ci n’en veut rien faire.
Il veut qu’on admire tout.
J’en suis incapable, je ne donne pas là-dedans.

En outre, dit-il, je ne suis pas assez docile.
Mais je lui ai dit sans ambages que j’étais trop vieille pour croire a toutes ces bagatelles de miracles.


Le jeudi Saint il est arrivé une chose plaisante dont j’ai bien dû rire.

Je revenais de l’église, où j’avais communié.
On se mit à parler de miracles, quelqu’un raconta comme quoi M. Le Prince, le père de celui qui est mort en dernier lieu, et Mme la Princesse Palatine* s’étaient convertis parce que, ayant tenu exposé à la flamme d’une bougie du bois de la croix de Jesus-Christ, ce bois n’avait pas pris feu.

« Ce n’est pas là un miracle, dis-je, car il y a du bois en Mésopotamie qui ne brule pas.
-Vous ne voulez pas croire aux miracles, dit le père Lingère ?
– J’ai la preuve en main » répondis-je.

Et cela était vrai, car Paul Lucas m’a vendu un gros morceau de ce bois, qui devient rouge ardent mais ne brûle pas.
Et me levant, je m’en fus chercher mon bois, le donnai au père Lingère et le lui fis bien examiner, afin qu’il ne doutât pas que ce fût du bois.
Il en coupa un morceau et jeta le restant au feu.
Il y devint rouge comme le fer, mais ne brûla pas.

De qui se moqua-t-on et qui fut penaud ?
Ce fut mon bon confesseur, car je n’ai pu m’empêcher de rire.

Mais il se remit et dit qu’il n’était écrit nulle par que le bois de la Sainte Croix ne brulait pas; ceux qui, par conséquent, l’expose au feu, ont tort.

« Mais, dis-je, si vous n’aviez pas eu la preuve que ce bois est incombustible, ne m’eussiez-vous pas fait un crime de ne pas croire à ce grand miracle ? »

Lui même finalement dut rire et avouer que s’il ne l’avait pas vu, il n’aurait pas ajouté foi à ce que je disais de ce bois.

 

*Anne de Gonzague
Sources : Correspondance complète de madame duchesse d’Orléans née Princesse Palatine, mère du régent. Vol.2 – p.19