Qu’on l’aime ou qu’on la déteste, le moins qu’on puisse dire c’est qu’Élisabeth-Charlotte du Palatinat (Elisabeth Charlotte, Prinzessin von der Pfalz en VO allemande), plus connue sous le nom de « La Palatine », a été une des grandes gueules de son époque.
Louis XIV la qualifiait d’ailleurs lui-même comme telle !
Quand elle débarque à Versailles à l’âge de 19 ans, cette seconde épouse de Philippe d’Orléans, dit « Monsieur », frère du Roi, a déjà l’esprit et la plume sacrément aiguisés et entend bien s’en servir !
Prolixe, on estime qu’elle entretint une correspondance de plus de 60,000 lettres à travers toute l’Europe, dont on a (malheureusement) pu conserver à ce jour qu’un petit dixième.
Mais quel dixième !!!!
La plupart des lettres de la Palatine sont de véritables petits bijoux d’humour et de sarcasme saupoudrés de mots crus sur les personnes, le us et coutumes et les petits maux de la vie de cour.
Quand la Palatine aimait : elle le disait.
Quand la Palatine n’aimait pas : elle le disait aussi… et sans chichi !
« Je suis trop franche pour écrire autrement que je ne pense »
Et on vous en remercie chère Madame !
Pétillante, drôle, avisée, droite, indépendante, parfois triviale et sans complaisance mais toujours juste dans ses affections ou ses ressentiments, celle qu’on a surnommé l’ « Océan D’encre » méritait bien que PCPL lui dédie une rubrique !
Les Bons Mots de la Palatine
« Madame Rêve… de Toilettes ! »
La Palatine – Sophie de Hanovre – 1694
1694, Madame-Belle-Soeur-Du-Roi n’est plus vraiment la bienvenue à Versailles.
Elle n’aime guerre l’épouse morganatique de Louis XIV (Madame de Maintenon) et cette rancœur n’est pas du goût du vieux Roi
Elle passe donc une partie de son temps à Fontainebleau.
Mais celle qui fut la 2ème femme la plus importante de la cour de France a bien du mal à se faire à la rusticité du petit château de banlieue comme en témoigne cette lettre qu’elle envoie à sa tante adorée Sophie de Bohême, princesse-électrice de Hanovre, le 9 octobre 1694 :
« Vous êtes bien heureuse d’aller chier quand vous voulez ; chiez donc tout votre chien de soûl.
Nous n’en sommes pas de même ici, où je suis obligée de garder mon étron pour le soir ; il n’y a point de frottoir aux maisons du côté de la forêt.
J’ai le malheur d’en habiter une, et par conséquent le chagrin d’aller chier dehors, ce qui me fâche, parce que j’aime chier à mon aise, et je ne chie pas à mon aise quand mon cul ne porte sur rien.
Item, tout le monde nous voit chier ; il y passe des hommes, des femmes, des filles, des garçons, des abbés et des Suisses.
Vous voyez par là que nul plaisir sans peine, et que, si on ne chiait point, je serais à Fontainebleau comme le poisson dans l’eau.
Il est très chagrinant que mes plaisirs soient traversés par des étrons.
Je voudrais que celui qui a le premier inventé de chier ne pût chier, lui et toute sa race, qu’à coups de bâton!
Comment, mordi ! qu’il faille qu’on ne puisse vivre sans chier ?
Soyez à table avec la meilleure compagnie du monde ; qu’il vous prenne envie de chier, il faut aller chier.
Soyez avec une jolie fille ou femme qui vous plaise ; qu’il vous prenne envie de chier, il faut aller chier ou crever.
Ah ! maudit chier !
Je ne sache point de plus vilaine chose que de chier.
Voyez passer une jolie personne, bien mignonne, bien propre ; vous vous récriez : « Ah ! que cela serait joli si cela ne chiait pas ! »
Je le pardonne à des crocheteurs, à des soldats aux gardes, à des porteurs de chaise et à des gens de ce calibre-là.
Mais les empereurs chient, les impératrices chient, les rois chient, les reines chient, le pape chie, les cardinaux chient, les princes chient, les archevêques et les évêques chient, les généraux d’ordre chient, les curés et les vicaires chient.
Avouez donc que le monde est rempli de vilaines gens !
Car enfin, on chie en l’air, on chie sur la terre, on chie dans la mer.
Tout l’univers est rempli de chieurs, et les rues de Fontainebleau de merde, principalement de la merde de Suisse, car ils font des étrons gros comme vous, Madame.
Si vous croyez baiser une belle petite bouche avec des dents bien blanches, vous baisez un moulin à merde.
Tous les mets les plus délicieux, les biscuits, les pâtés, les tourtes, les farcis, les jambons, les perdrix, les faisans, etc., le tout n’est que pour faire de la merde mâchée, etc. »
Et la duchesse de Hanovre de répondre un argumentaire pro-caca imparable le 31 Octobre 1694 :
« C’est un plaisant raisonnement de merde que celui que vous faites sur le sujet de chier, et il paraît bien que vous ne connaissez guère les plaisirs, puisque vous ignorez celui qu’il y a à chier ; c’est le plus grand de vos malheurs.
Il faut n’avoir chié de sa vie, pour n’avoir senti le plaisir qu’il y a de chier ; car l’on peut dire que de toutes les nécessités à quoi la nature nous a assujettis, celle de chier est la plus agréable.
On voit peu de personnes qui chient qui ne trouvent que leur étron sent bon; la plupart des maladies ne nous viennent que par faute de chier, et les médecins ne nous guérissent qu’à force de nous faire chier, et qui mieux chie plutôt guérit.
On peut dire même qu’on ne mange que pour chier, et tout de même qu’on ne chie que pour manger, et si la viande fait la merde, il est vrai de dire que la merde fait la viande, puisque les cochons les plus délicats sont ceux qui mangent le plus de merde. […]Les boudins, les andouilles et les saucisses ne sont-ce pas des ragoûts dans des sacs à merde ?
La terre ne deviendrait-elle pas stérile si on ne chiait pas ne produisant les mets les plus nécessaires et les plus délicats qu’à force d’étrons et de merde ? […]Les beaux teints ne s’entretiennent que par de fréquents lavements qui font chier; c’est donc à la merde que nous avons l’obligation de la beauté. […] Sans la merde des fouines, des civettes et des autres animaux, ne serions nous pas privés des plus fortes et meilleures odeurs ? […]
Demeurez donc d’accord que chier est la plus belle, la plus utile et la plus agréable chose du monde. […]
Vous étiez de bien mauvaise humeur quand vous avez tant déclamé contre le chier; je n’en saurais donner la raison, sinon qu’assurément votre aiguillette s’étant nouée à deux nœuds, vous aviez chié dans vos chausses.[…]
J’espère qu’à présent vous vous dédirez d’avoir voulu mettre le chier en si mauvaise odeur, et que vous demeurerez d’accord qu’on aimerait autant ne point vivre que ne point chier »
Ce site est véritablement décapant. Guère de faux-semblants ni
de fausse érudition. Je lis et m,esclafe
Merci
C’est moi qui te remercie Roumegoux !