dessin montrant une saignée sur un avant bras pour illustrer l'article PCPL sur le sujet

La Saignée… le Remède à Tout !

 

Que vous soyez féru d’histoire ou cancre en la matière, il y a un élément dont vous avez déjà entendu parlé, je suis prête à en mettre ma main au feu : la saignée.

Ce serait Esculape lui-même, Dieu des médecins, qui en aurait confié le secret aux homme comme gage de bonne santé et on trouve des références à l’emploi de la saignée dès l’antiquité avec la théorie des humeurs d’Hippocrate et même chez les égyptiens.

Dans l’ouvrage en latin « La médecine selon le régime sanitaire » de l’école de Salerne, la saignée est une règle d’hygiène élémentaire :

« Saigner rend les yeux clairs, tempère la cervelle, aiguise les esprits, échauffe la moelle, arrête l’estomac et le ventre lâché, purge les intestin, sert aux sens débauchés, fait ouïr, fait dormir, rend la voix bien sonnante, dissipe les ennuis et les forces augmentent…».

Rien que ça !
Pas étonnant alors qu’en France, la saignée ai quasiment été le remède à tout et pour tout le monde pendant plusieurs siècles!
Mais n’allez pas croire qu’on saignait n’importe comment !

D’abord il y avait des bons et des mauvais jours pour tirer le sang : le 1er mai par exemple était particulièrement défavorable.
A partir du XVe siècle, avec le développement de l’astrologie, la date et l’heure entre également en ligne de calcul et on va jusqu’à éditer des almanachs qui permettent de prendre en compte les mouvements planétaires et les signes du zodiaque pour optimiser les vertus des saignées.

dessin anatomique montrant les points de saignée pour illustrer l'article PCPL sur le sujetA chaque maux correspondait donc une saignée précise bien que la celle du coude fut la plus répandue car elle était censée traiter « tous les maux sauf ceux provoqués par un excès d’humeur froide »

Pour les maux de tête modérés ou les otites on saignait la veine frontale,

Pour les ophtalmies on saignait au coin de l’oeil (c’était pas le moment de croiser une jolie fille !),

Pour les douleurs dentaires et de gorge (esquinance) on saignait à la base de la langue (une petite tomate vinaigrette après ça ? )

Pour les maux dus à un excès d’humeur froide : on saignait au bord de l’anus (asseyez vous, je vous en prie !)

Pour les douleurs intenses ou quand la saignée du coude ne donnait pas de résultats, on saignait dans le pied.

Et si le patient était en danger de mort, l’incision de faisait dans la main, entre l’annulaire et l’auriculaire. Cette saignée était appelée « salvatelle » tant elle était réputée pour vous ramener à la vie.

La saignée était aussi préconisée avant de pratiquer une chirurgie, tel que l’atteste cet écrit du secrétaire de l’Académie Royale de Chirurgie alors qu’il s’apprêtait à réparer une fracture de la jambe : « Je prescrivis des saignées copieuses que je fis réitérer jusqu’à ce qu’il ne restât plus, pour ainsi dire, que la quantité de sang absolument nécessaire pour le soutien de la vie du malade. »

Ou encore dès les premiers signes de travail chez les femmes enceintes : « La saignée au bras, faite à une femme qui a un travail laborieux, lui est utile. Elle accouche plus facilement et évite de trop grande perte de sang ».
C’est c’là oui…

lancette utilisée pour la saignée pour illustrer l'article PCPL sur le sujetMais l’indication la plus étonnante de la saignée reste en cas d’hémorragie !
En atteste cette anecdote avec le Duc de Berry qui, perdant son sang en abondance, fut saigné au bras pour provoquer un réflexe vasoconstricteur bénéfique.

Toutefois, la saignée n’étant pas un remède miracle (sans blague ?!?), il était fréquent de devoir renouveler l’opération plusieurs fois, voire plusieurs fois par jour !
Certaines illustrations montrent jusqu’à 40 points d’incision sur un même avant bras !

On rapporte même l’observation d’une jeune fille présentant une aménorrhée persistante (absence de règles) et des signes d’hystérie et qui fut guéri au bout de dix neuf ans après avoir été saignée au bras et au pied 1020 fois !