femme aux yeux bandés pour illustrer l'article par ci par la PCPL dédié à la légende de johan coley à l'origine du jeu colin maillart ou colin maillard

Colin Maillart : la Légende Sanglante à l’Origine du Petit Jeu

Colin Maillard, évidemment, tout le monde connait; et pour cause !
Qui ne s’est jamais pris une buche ou cogné la tête en jouant, dans ses tendres années, à cette variante du jeu de chat où, les yeux bandés, il faut attraper ses petits camarades et les reconnaitre en leur tâtant le visage.
Peut être même que les plus coquin(e)s d’entre vous y ont joué à l’age adulte… « Mais cela ne nous regarde pas »…

photo d'enfants jouant à colin maillart pour illustrer l'article parciparla.fr dédié à colin maillartAlors pourquoi évoquer aujourd’hui ce jeu de notre enfance, outre la nostalgie ?
A cause de son nom, « Colin Maillard », qui est bien étrange quand on y pense…

D’abord, sachez qu’on peut écrire indistinctement « Colin Maillard » ou « Colin Maillart ».
Les 2 orthographes sont admises et directement liées aux hypothèses de l’origine du nom.


La première hypothèse consiste simplement à considérer qu’il s’agit d’un raccourci pour évoquer le fait que « Colin poursuit Maillard ».
Colin étant un diminutif de Nicolas, et Maillard un prénom de souche médiévale aujourd’hui inusité

Bon… Pourquoi pas… J’ai rien contre.
Si ce n’est que dans ce cas, il faudrait accorder Maillard au pluriel; or Colin Maillard est invariable.

N’ayant pas l’envie de me lancer ici dans un grand débat grammatical, surtout que cette hypothèse n’est pas celle communément admise; passons à la suivante, qui remporte beaucoup plus les suffrages.


Colin Maillart (avec un T cette fois) ferait référence à Johan Coley Malhars, un maçon-guerrier du pays Hutois évoqué dans « La Geste de Liège », une chanson de geste racontant l’histoire du Comté de Flandres écrite au 14ème siècle par Jean D’Outremeuse.

Né dans une famille nobliotte sans le sou, Johan Coley dut travailler dès son plus jeune âge. Littéralement taillé dans la masse et d’une force prodigieuse, il choisit le métier de maçon.

En 998, le comte Lambert de Louvain déclencha une offensive afin de reprendre le comté de Huy au prince de Liège.
Passant par là car venu retremper son marteau d’acier à Huy, Johan Coley, en bon patriote, décida de prêter main-forte aux Hutois assiégés.
Ne pouvant enfiler aucune armure du fait de son gigantisme, Johan se contenta de monter à cheval et se lança dans la bataille, son seul marteau à la main.

portrait de robert II capet, fils de hugues capet, dit robert le pieux pour #PCPLLe molosse frappa si vaillamment qu’à la tombée de la nuit, le comte Lambert sonna la retraite: il avait perdu 20.000 hommes tandis que les Hutois ne déploraient que 1.100 tués.

Cet acte de bravoure valu à Johan Coley, quelques mois plus tard, d’être sacré chevalier par le roi Robert Capet (dit Robert II le Pieux, fils de Hugues Capet) qui, en hommage à son vaillant marteau, accola le surnom de Maillart (Malhars) à ses noms et prénoms.

Johan Coley Malhars (francisé Jean Colin Maillart) participa dès lors à plusieurs autres batailles, toujours affublé de son maillet jusqu’à la bataille de Florennes où il fut blessé à la tête par les Brabançons.
Les yeux crevés, le Hutois continua malgré tout de se battre, frappant tantôt au hasard, tantôt guidé par ses écuyers continuant ses ravages dans les rangs ennemis.

Comme toute bonne chanson de geste, « la Geste de Liège » n’est en rien avérée et la plupart des faits racontés relèvent objectivement de la propagande enjolivée à la gloire de qui de droit.

Toujours est-il qu’elle permit à la légende de Colin Maillart de passer à la postérité en baptisant ce petit jeu enfantin, pourtant déjà pratiqué dans la Grèce Antique (voir « le jeu de la mouche de bronze », notamment évoqué dans les écrits de Pollux)

Remarquons enfin qu’au fil des siècles, la limite entre légende et réalité tend à s’affiner :

On trouve en effet une référence sans équivoque au chevalier dans « La Vent Paraclet » de Michel Tournier en 1978 :

«Ce guerrier gigantesque des Flandres qui se battait avec un maillet ; privé de la vue par une blessure, il fallut qu’un valet d’armes guidât désormais ses coups »

portrait suposé de Johan coley au chateau de Landreville à l'origine de la légende de colin maillart, colin maillard

Et si vous passez un jour par les Ardennes, n’hésitez pas à faire une halte au Château de Landreville.
Vous pourrez admirer un « portrait » du légendaire guerrier sur une des cheminées de la demeure; ce château ayant prétendument appartenu à ses descendants exilés en France au 14ème siècle…

 

 

Sources : archives de la ville de Huy, Fernand Discry – Ly myreur des histors par Jean d’Outremeuse, André Goosse – Web Divers