omelette de la mère poulard pour l'article parciparla.fr consacré à l'histoire de l'arrestation de Condorcet

Condorcet : Comment une Omelette causa sa perte ?

Le 26 Mars 1794, un petit estaminet qui payait pas de mine à Clamart fût le théâtre d’une scène bien singulière :
Sans raison apparente, 2 sans culottes se jettent subitement sur leur voisin de table, un homme de 50 ans, sale, à l’habit pauvre et coiffant chapeau de paille qui vient de se faire servir une omelette.

Le pauvre homme sera retrouvé mort dans une cellule de prison 3 jours plus tard, le 29 Mars 1794

Que s’est-il donc passé ?
Qui était cet homme qui voulait juste manger ses oeufs tranquillou ?



En 1789, pour nombre d’hommes et de femmes, la Révolution Française sonne l’espoir d’une société nouvelle (« Révolution », ça veut bien dire ce que ça veut dire !)

ortrait du marquis de condorcet pour l'article parciparla.fr dédié à son arrestation à clamart pour une omeletteMarie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet est l’un d’eux, et pas des moindres.

Mathématicien brillant, ancien Inspecteur de la Monnaie sous Turgot, Ingénieur des ponts et chaussées, Condorcet est académicien quand ça commence à sévèrement gronder dans la Capitale mais dès la chute de la Bastille, son érudition et son intelligence le font élire au Conseil Municipal de Paris.

Cette position est l’occasion d’initier la réforme rationaliste de la société à laquelle il tient et dans laquelle il prône notamment l’admission des femmes au droit de cité et au droit de vote (brave homme !)

Il est également l’un des inspirateur de la réforme du système métrique qui fera du mètre l’unité nationale en lieu et place du pendule ou du quart de méridien

En 1791, il est élu député de Paris à l’Assemblée Législative et l’année suivante, il est réélu député de l’Aisne à la Convention Nationale où il siège avec les Brissotins (sous groupe des Girondins).
Il en profite pour proposer une version de la Constitution : démarche louable mais au succès mitigé.

A l’aube de 1793, Nicolas de Condorcet est donc un républicain convaincu, membre actif des Girondins (faction de l’Assemblée et de la Convention opposée aux Montagnards de Robespierre, Marat et Danton), qui apporte de nombreuses idées pour réformer la société et en finir définitivement avec la Royauté.

Pourtant c’est Louis XVI, ce roi dont il ne veut plus, qui va précipiter sa chute.

tableau de l'éxécution de Louis XVI pour l'article parciparla.fr dédié à l'arrestation de CondorcetLe 19 janvier 1793, Condorcet plaide à la Convention l’abolition de la peine de mort.
Mais dans le même temps, la même Convention vote à la majorité la mort du dernier des Capétiens.
Condorcet tente vaille que vaille, avec quelques très rare partisans anti-décapitation, de faire valoir une condamnation perpétuelle aux galères.
Sans succès : Louis XVI perdra la tête 2 jours plus tard Place de la Révolution (actuelle Place de la Concorde)

Dès lors, la guerre est ouverte entre Girondins et Montagnards.
And the winner is… les Montagnards !

Marie-Jean Hérault de Séchelles (team Montagnards donc) propose une nouvelle constitution pour remplacer celle de Condorcet de 1792.
Nouvelle constitution que ce dernier s’empresse (évidemment) de critiquer, allant jusqu’à prendre le peuple à partie.

C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase :
Le 8 juillet 1793, sur proposition de François Chabot, un moine défroqué député du Tiers-Etat Montagnard, la Convention accuse Condorcet de traitrise et vote un décret d’arrestation.

Pendant 9 mois, Condorcet se cache chez une certaine Mme Rose Marie Vernet, 15 rue des Fossoyeurs à Paris (actuelle rue Servandoni).
Mais le temps file et ce dernier, en homme d’honneur, estime mettre son hôtesse en danger par sa présence.
Il choisit donc de s’enfuir à l’aube du 25 Mars 1794 habillé en guenilles, espérant se faire passer pour un sans-culotte.
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Il se rend alors à Fontenay aux Roses, espérant trouver refuge chez un couple d’amis, les Suard, sympathisants à la Monarchie Constitutionnelle, mais il trouve porte close.
On ne sait trop si les Suards ont craint pour leurs vies et se sont barricadés ou si c’est un mauvais concours de circonstances qui a joué contre Condorcet, toujours est-il qu’il erre toute la journée et toute la nuit dans le bois de Verrière.

Puis la biologie reprenant ses droits : Condorcet a faim.

Et c’est pour cette simple raison qu’on le retrouve, en ce début d’après midi du 25 Mars 1794, poussant la porte de l’auberge de Sieur Louis Crépinet à Clamart, qu’on appelait alors « Le Vignoble » en raison des vignes qui poussaient sur une grande partie de la commune.

portrait de la mère poulard célèbre au mont saint michel pour ses omelettes pour l'article parciparla.fr dédié à l'arrestation de CondorcetD’emblée le nouvel arrivant crasseux et un peu hagard, tape dans l’oeil de Crepinet mais celui-ci ne fait pas la fine bouche (c’est une auberge de campagne, pas le Fouquet’s) : un client c’est toujours bon à prendre.
Surtout quand celui-ci vous commande une omelette de 12 oeufs !

Oui, vous avez bien lu : 12 oeufs !

Quand l’aubergiste demanda à son client de combien d’oeufs devait se composer son omelette, celui qui fut un mathématicien hors pair, un ingénieur de génie, qui inspira une refonte complète du système métrique, ne fut pas foutu d’évaluer combien d’oeufs on met dans une omelette pour une personne !!!


François Bréau et Nicolas Claude Champy, deux vrais sans-culotte attablés à proximité scrutent alors les faits et gestes de cet étrange client et quand celui-ci sort un louis d’or pour payer sa gargantuesque omelette et son pichet de picrate, ils n’ont plus de doute : c’est un usurpateur, certainement un bourgeois ou un aristocrate en fuite (qui étaient légion à l’époque il faut dire !)

Ni-une-ni-deux, Condorcet est conduit devant le Comité de Salut Public le plus proche : à Bourg l’Egalité (Nom révolutionnaire de Bourg la Reine) où ses faux papiers au nom de Pierre Simon, jardinier de son état, ne font pas illusion.
(Que si tu sais pas ce que c’est un nom révolutionnaire, bah t’as qu’a cliquer sur le bouton ami lecteur)

L’homme est bien trop maniéré, a les mains bien trop fines pour un travailleur, sans compter la jolie montre en argent et aiguilles d’or ou encore le très joli rasoir à manche d’ivoire dissimulé dans sa poche qui font rarement partie du barda du gueux.

Pierre Simon/Condorcet est alors déféré devant le Tribunal Révolutionnaire de Paris et emprisonné dans l’attente d’un interrogatoire plus poussé pour lui faire avouer sa véritable identité.

Mais au matin du 29 Mars 1794 (21 pluviôse de l’an III), Nicolas de Condorcet est retrouvé mort dans sa cellule « face tournée vers la terre, les bras allongés le long du corps, les mains non garnies d’armes ni d’instruments qui puissent faire présumer le suicide »

Du sang sortant de ses narines, l’officier de santé en charge de l’examen mortuaire conclut à une « hémorragie sanguine ».

Condorcet ayant fait un accident vasculaire cérébral quelques mois avant (Le stress que voulez-vous ! Le stress !), la conclusion du médecin n’est, malgré le pléonasme, pas complètement farfelue.

Toutefois, il semble plus probable que Condorcet se soit bel et bien suicidé en avalant « le pain des frères » (ou « pain des braves »), un poison composé d’opium et de stramonium que lui aurait fourni son ami Georges Cabanis comme en témoigne cette lettre de Fayolle à Arago, exhumée par André Guillois dans les archives de l’institut de France :

C’est de Garat que j’ai appris que Cabanis avait remis à plusieurs de ses amis, en 1793, ce poison, opium combiné au stramonium, qu’il appelait « le pain des frères »

Condorcet, sous le nom de Pierre Simon, fut inhumé au cimetière de Bourg l’Égalité et ses proches n’apprirent sa mort que plusieurs mois plus tard.
On procéda alors à la rectification de l’acte de décès et de la sépulture du défunt marquis qui aurait sans doute mieux fait d’apprendre le BA-ba de la cuisine avant de vouloir changer le monde…

Il faut savoir faire les choses dans l’ordre, Tête d’Oeuf ! (désolée, pas pu m’empêcher… ^^)

 



 

Sources : « Georges Cabanis, le medecin de brumaire », A.Role-L.Boulet – « Le salon de Mme Helvètius », A.Guillois – Web Divers.