D’abord une question :
A quand remonte la dernière fois où vous avez enfilé votre pantalon à l’envers ?
C’est bien ce que je pensais…
Alors pourquoi donc Dagobert, dernier grand roi Mérovingien, aurait t’il commis cette erreur au point de se voir dédier une chanson et de passer à la postérité quasiment autant pour cette bourde que pour ses faits d’armes ?
Bah pour rien.
(Prépare toi lecteur, je vais jeter un pavé dans la mare, ça risque d’éclabousser un peu) :
Dagobert n’a JAMAIS mis sa culotte à l’envers.
D’abord pour une raison très simple : Dagobert c’est le début du 7ème Siècle (naissance vers 602/605 et mort le 19 janvier 638 ou 639… on sait pas trop, on n’était pas très fortiche en état civil en ce temps là) et à cette époque bah… les culottes n’existaient pas !
Au moment du règne de Dagobert, on assiste certes à un changement dans les habitudes vestimentaires :
Les hommes qui portaient jusque-là des braies passent progressivement aux bas en tissu de laine ou de lin voire carrément à la guibole à l’air en cas de grosse chaleur (on garde quand même une petite bande molletière sans doute pour éviter de se faire piquer à tout va dans les herbes hautes) mais on est encore loin de la culotte.
Ladite culotte à proprement parler (cette espèce de pantacourt moulant qui arrivait au genou dérivé de la trousse) ne fait son apparition dans les dressings que plus de 1000 ans après le règne de Dagobert.
Vous m’accorderez que comme preuve formelle on peut difficilement faire mieux !
Alors pourquoi tous les enfants de France chantent-ils cette ritournelle fâcheuse depuis des siècles ?
Une des hypothèses fréquentes avance que « mettre sa culotte à l’envers » serait une métaphore pour signifier que Dagobert était un peu faiblard comme bonhomme et que c’est sa femme, Nanthilde, qui portait la culotte.
Bof.
Dagobert a été un sacré grand roi : on lui doit entre autre une réforme plus équitable de la fiscalité et de la justice, un développement de l’assistance aux nécessiteux, un développement de l’éducation et des arts (c’est lui qui fit ériger l’Église Saint Denis, nécropole des rois de France) mais surtout une unification du territoire avec Paris pour capitale.
Bref, un mec à pogne qu’on imagine mal courber l’échine devant bobonne.
De plus, cette comptine ayant vu le jour fin 18ème, on ne comprend pas bien pourquoi, d’un coup, en plein bouillonnement pré-révolution française, on s’en prendrait à Dagobert.
L’hypothèse la plus probable donc (et communément admise aujourd’hui) est que cette comptine, adaptée d’un ancien chant de chasse « La Fanfare du Grand Cerf », avait pour but de ridiculiser la monarchie alors en place.
Et là, tout de suite, ça colle plus avec l’ambiance révolutionnaire !
Pourquoi s’en prendre à Dagobert alors ?
D’abord parce que ça rime avec « envers » ce qui est bien pratique pour faire une petite chansonnette efficace qui reste dans la tête… (« Le bon roi Clovis, a mis sa culotte à l’envers », ça marche moins bien, on est d’accord ?)
… mais surtout parce que Dagobert est un Mérovingien, pas un Bourbon.
Or, à l’époque, s’en prendre à un Bourbon était Crime de Lèse-Majesté et ça vous envoyait direct au cachot (quand c’était pas pire !)
« Le Bon Roi Dagobert », s’est donc prit tous les quolibets à la place de ses petits camarades Rois, tout ça parce qu’on avait la trouille nommer directement Louis XVI.
Je dis « tous les quolibets » car si tout le monde connait aujourd’hui le laïus sur la culotte, sachez que la chanson complète comptait à l’origine 22 couplets qui évoquaient tour à tour l’étourderie, la gloutonnerie, la couardise, le bêtise, la coquetterie… toutes ces qualités que le peuple prêtait allègrement à Louis XVI !
(clique donc sur le p’tit bouton si tu veux lire la version complète du Bon Roi Dagobert !)
Finissons en précisant que, comme toute chanson populaire à succès, « Le Bon Roi Dagobert » fut l’objet de reprises, notamment pour critiquer Napoleon 1er Bonaparte.
Quelques couplets furent alors adaptés et d’autres rajoutés pour coller à la cible, comme par exemple celui-ci qui fait clairement référence à la campagne de Russie :
Mais il la faisait en hiver ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : Ô mon roi !
Votre Majesté
Se fera geler.
C’est vrai, lui dit le roi,
Je m’en vais retourner chez moi. »
Napoleon, un peu tatillon sur sa communication, ne trouva pas ça drôle et fit tout bonnement interdire la chanson par la police.
Le petit air tomba en désuétude, jusqu’au retour des Bourbons à la Restauration où elle connut un regain de popularité.
Quand on a trouvé le bon filon, c’est con de creuser à coté !
Même Colette Renard, grande chansonnière erotico-grivoise des années 50 (à qui on doit le célébrissime « Les nuits d’une Demoiselle ») s’est fendue d’une petite version bien à elle du « Bon Roi Dagobert ».
Je ne résiste pas à l’envie de vous retranscrire les paroles pour finir cet article sur une touche de poésie ;p
(Eloignez les enfants : c’est chaud patate !)
le Roi Dagobert, version Colette Renard (cliquez pour ouvrir)
le Roi Dagobert, version Colette Renard (cliquez pour ouvrir)
Baisait à tort et à travers
Le grand saint Éloi
Lui dit « Ô mon roi
Votre Majesté
Va se fatiguer »
« Cochon, lui dit le roi
Tu voudrais bien foutre pour moi »
C’est le roi Dagobert
Qui bandait toujours comme un cerf
Le grand saint Éloi
Lui dit « Ô mon roi
On voit votre gland
C’ n’est pas élégant »
Le roi dit aussitôt
« Oh, je vais y accrocher mon chapeau »
Le bon roi Dagobert
Était demeuré très primaire
Au grand saint Éloi
Qui lui dit « Mon roi
Dites-moi au moins
C’ que font un et un ? »
Il gueula comme un bœuf
« Un et un, ça fait soixante-neuf »
Le bon roi Dagobert
En mourant fit cette prière
« Mon cher saint Éloi
Je voudrais, ma foi
Que l’on mît à part
Mon grand braquemart
Il servira d’ailleurs
De sceptre à tous mes successeurs »
Enfilait les femmes à l’envers
Le grand saint Éloi
Lui dit « Oh ! Mon roi
Vous êtes entré
Du mauvais côté »
« Crétin, lui dit le roi
Tu sais bien que l’envers vaut l’endroit »
Le bon roi Dagobert
Avait toujours la queue à l’air
Le grand saint Éloi
Lui dit « Ô mon roi
Au mois de décembre
Faut rentrer son membre »
Le roi lui dit très fier
« Rien ne vaut le vit au grand air »
Le bon roi Dagobert
Se faisait sucer au dessert
La reine fort choquée
Lui dit « C’est assez
Devant tout l’ palais
C’est vraiment très laid »
Le roi lui dit: « Souveraine
On n’ doit pas parler la bouche pleine »
J’aime beaucoup la diversité des sujets traités. Pas trop long à lire et instructifs .Continuez comme ça !!!