Si je vous demandais de me citer un roi qui a toujours été fidèle à sa reine, vous allez peiner un peu.
C’est que les maitresses et les favorites ont toujours fait partie intégrante des règnes de nos monarques.
La Belle Ferronnière, la Belle Corisande, la Maintenon, la Montespan, la Pompadour… la liste est longue de ces dames qui ont marquées l’histoire sans jamais avoir été couronnées (liste complète des maitresses royales ICI)
Et les maris dans tout ça ?
Car ces dames n’étaient pas toutes célibataires quand elles se sont vues mettre le grappin dessus par leur roi !
Eh bien ils n’avaient pas vraiment leur mot à dire; au contraire même : on les félicitait chaleureusement car voir son épouse dans les bras du roi leur assurait souvent bien des privilèges.
La plupart d’entre eux faisaient donc profil bas et profitaient de la situation.
Sauf Louis Henri de Pardaillan de Gondrin, plus connu sous le titre de Marquis de Montespan dont la femme, Athénais, fut la favorite de Louis-XIV dès 1668 (et dont 7 enfants naquirent de cette union).
Parti en guerre, le marquis de Montespan ignorait, dans un premier temps, tout des badinages de son épouse.
Mais blessé, il fut rapatrié après 11 mois de campagne et découvrit sa femme… enceinte !
Devant la cour rassemblée, il gifla violemment Mme de Montespan (on dit que la trace resta plusieurs jours sur le visage d’Athénais) et traita publiquement Mme de Montauzier de « Maquerelle ».
Chassé du château, il poursuivit ses esclandres dans tout Paris plusieurs semaines durant.
Mais un peu de barouf de suffit pas à calmer la colère du Montespan.
Il reprit à son compte la stratégie mise en œuvre par le mari de la Belle Ferronière (maitresse de François 1er) et tenta d’attraper la vérole auprès des prostituées de Paris afin de contaminer sa femme; le but étant – évidemment – qu’elle refile à son tour la maladie au Roi.
Convaincu d’avoir chopé la chtouille, Mr de Montespan se rendit à la cour : il couru après sa femme jusque dans les appartements de Mme de Montauzier dont il tenta de forcer les portes à coups de canne.
Les domestiques finirent par le maitriser et le jetèrent dehors de force.
Est-il besoin de vous dire que tout ça énerva passablement Louis XIV ?
Le Montespan fut emprisonné quelques jours à For-l’Eveque et fut contraint à quitter la cour.
Ce qu’il fit… non sans panache !
Avant de retourner dans ses terres gasconnes, le marquis de Montespan vint faire ses adieux au Roi et entra dans la cour du château de Saint Germain dans sa berline de voyage nouvellement décorée.
Symbole de son statut de cocu, Mr de Montespan l’avait entièrement repeinte en noir, attelée par des chevaux de même couleur et avait remplacé les plumets par quatre énormes andouillers (ramures de cerfs).
Il avait également fait rajouté des cornes à ses armoiries peintes sur les portes.
Le marquis s’était, quand à lui, vêtu en grand deuil et entra dans le château pour attendre le roi dans la salle des pas perdus.
« Pourquoi tout ce noir, monsieur?
-Sire, je porte le deuil de ma femme.
-Le deuil de votre femme ? interrogea Louis XIV
-Oui, Sire, pour moi elle est morte et je ne la reverrai plus… »
Le marquis de Montespan repris un peu de For-l’Evêque pour cet affront, mais faute de procès, il fut relâché.
Il rejoignit alors ses terres de Guyenne en prenant soin de montrer au plus grand nombre son bel attelage, symbole de son infortune.
Une fois à la maison, il organisa les funérailles de son mariage avec messe et oraison, et fit transporter un cercueil vide dans son carrosse cornu jusqu’à la chapelle du village.
Tout décès nécessitant une tombe, il fit ériger une croix de bois ornée des dates 1663-1675.
Après ça, Mr de Montespan se tint (relativement) tranquille, refusant toutes les propositions du roi pour le faire taire : rente d’argent, duché… il n’accepta rien.
Il mourut en 1691 (ou en 1701, on n’est pas très sur), laissant dans son testament une dernière demande…
« N’ayant pas à me louer d’une épouse, qui se divertissant autant que possible, m’a fait passer ma jeunesse et ma vie dans le célibat, je me borne à lui léguer mon grand portrait peint par Bourdon, la priant de le placer dans la chambre lorsque le roi n’y rentrera plus. […] je lègue et donne au roi mon vaste château de Montespan, le suppliant d’y instituer une communauté des dames repenties à la charge et condition spéciale de mettre mon épouse à la tête de ce dit couvent et de l’y nommer première abbesse. »
Si vous souhaitez en savoir plus sur l’histoire de Mr de Montespan, ce cocu magnifique, je ne saurai trop vous encourager à lire « Le Montespan » de Jean Teulé qui retrace cette histoire épique avec toute l’ironie et l’humour caustique de son auteur.