Alors que la question « pour ou contre la fessée » est encore plus ou moins d’actualité, je me suis dit qu’un petit post sur la fessée la plus tristement célèbre de l’histoire pourrait faire avancer le débat !
En ce 13 août 1762, la Révolution Française est encore loin. Mais c’est le jour que choisit la petite Anne-Josèphe Terwagne pour pointer son nez à Marcourt dans l’ancienne principauté de Liège.
Et là vous me dites « C’est super… mais c’est qui celle là » ?
Je ne saurais vous en tenir rigueur.
Ce nom (comme tant d’autres) vous est sans doute étranger puisqu’il ne fait pas partie des ceux dont on entend parler dans les cours d’Histoire à l’école…. et pourtant…
Pour faire simple, passons (très) rapidement sur l’enfance mouvementée et l’adolescence rebelle de la petite Anne-Jojo pour arriver directement au 08 aout 1788.
Ce jour là, Louis XVI convoque les états généraux et Anne Joseph, alors à Naples, fonce à Paris pour se jeter dans la bagarre sous le nom de Théroigne de Mericourt (amalgame de son nom de famille et de sa ville de naissance).
Et la Theroigne, c’était pas le genre de nenette qui fait les choses à moitié !
Par exemple, le 14 Juillet 1789 : elle participe à la Prise de la Bastille.
Ou encore les 05 et 06 Octobre 1789, elle prend la tête du cortège des femmes qui marcha sur Versailles pour ramener le «Boulanger, la boulangère et le petit mitron»
(Camille Desmoulins parlera des « 8000 Judith » pour désigner cette procession de femmes venues réclamer du pain pour leurs enfants)
C’est d’ailleurs elle qui présente les revendications du peuple à Marie-Antoinette, la dévisageant avec mépris.
Habillée en «amazone d’écarlate et de panache de geai», portant toujours pistolets et sabre à la ceinture, elle tient aussi salon rue du Boulay à Paris.
Salon extrêmement couru des grandes figures puisqu’on y retrouvait Siéyès, Camille Desmoulins, Pétion, Brissot, Romme, Fabre d’Églantine…
Elle crée avec Romme le « Club des Amis de la loi », qui se fondit dans le célèbre Club des Cordeliers
Le 26 janvier 1792, elle fait une entrée triomphale au Jacobins.
Le 10 Aout 1792, elle participe à l’invasion du palais des Tuileries par le peuple, poussant notamment la foule à massacrer le pamphlétaire François-Louis Suleau.
et caetera… et caetera…
Bref, c’était loin d’être une demie mesure la p’tite dame !
Qu’on l’aime ou qu’on la déteste, celle qu’on surnommait «la Belle Liégeoise», «l’Amazone rouge» ou «la furie de la Gironde» fut une figure de son temps.
Mais vous vous doutez bien que si je vous raconte tout ça, ce n’est pas uniquement pour vous dresser le portrait de la dame, bien qu’il vaille le coup !
Je voulais en arriver au 13 mai 1793,
Alors à l’Assemblée Nationale, Théroigne de Méricourt est accusée de soutenir Brissot, chef de file des Girondins, et est prise à partie par des femmes jacobines.
Celles-ci lui infligèrent alors ce qu’on appelait « la Fessée Républicaine » : Théroigne fût dénudée et fessée publiquement (« lynchée » serait plus juste) jusqu’à l’intervention de Marat qui fit cesser ce pugilat.
Profondément humiliée Théroigne de Méricourt quitta la vie publique et vécu dès lors recluse chez elle avant d’être hospitalisée, ayant complètement sombré dans la folie en quelques mois.
Elle passa 23 années enfermée avant de rendre l’âme à l’age de 55 ans sans avoir jamais recouvré la raison, passant son temps à s’asperger d’eau glacée pour laver sa peau de la souillure du sang de Suleau…
Bon… Soyons clairs, il est possible (voire carrément probable) que l’humiliation publique de la fessée ne soit pas seule responsable de sa déchéance : le mercure qu’elle prenait pour soigner sa syphilis n’y est peut-être pas pour rien… mais je ne suis pas médecin…
Notons toutefois que « paradoxalement », c’est cette folie avérée qui empêcha Théroigne de Méricourt de finir guillotinée, au contraire de ses consœurs féministes Olympe.de.Gouges ou Madame Roland.
Pour finir, cette femme au destin hors du commun, mais dont le nom est un des (trop nombreux) grands oubliés des manuels d’Histoire, inspira de nombreux artistes :
Baudelaire s’en inspira dans les Fleurs du Mal.
Sarah Bernhardt lui prêta sa voix au théâtre.
August De Boeck écrivit un opéra qui porte son nom.
Il se raconte même que c’est elle qui aurait servi de modèle à Eugène Delacroix pour son célèbre tableau « La Liberté guidant le peuple »,
( ce qui n’est pas dénué de sens, car Théroigne de Méricourt est souvent représentée avec un sein sorti voire la poitrine carrément à l’air…)
Quand je vous disais qu’elle mériterait d’être enseignée à l’école la Théroigne !!!
Article très intéressant, je n’avais jamais entendue parler de cette femme !!!
La rédaction de l’article, la tournure, donnent une lecture sympathique.
Merci bcp Florence 🙂