Vous connaissez mon amour pour l’argot, les expressions fleuries, la gouaille quoi !
Autant vous dire qu’avec la réédition du livre « Le Poilu tel qu’il se parle » de Gaston Esnault (qui date originellement de 1919), je nage en plein bonheur…
Ce livre est tout simplement une immersion dans les tranchées !
En réalité il n’existe pas « un langage poilu » mais des dizaines : quand on sait que le front occidental comptait pas moins de 700km, on comprend bien que tout le monde ne jaquetait pas le même graillot !
C’est que la « langue des poilus » était en réalité un mélange complexe de patois populaire, de langues arabes, berbères, ou encore wolof et de néologismes.
Mais on pourra remarqué que l’humour et l’autodérision sont toujours présents, comme pour essayer malgré tout de (sou)rire de l’horreur.
Quelques expressions des poilus qu’on utilisent encore aujourd’hui:
– s’en balancer : n’en avoir rien à faire
– le barda : ensemble des objets affectés à un fantassin, et dont la pièce de résistance est le havresac
– la bleusaille : soldat de la plus jeune classe
– avoir les chocotes : avoir peur
– un chouya : petite quantité. Nous vient des soldats d’Afrique qui disaient « chouya-chouya »
– une crèche : endroit qui servira de couche
– le toubib : le médecin – le mot est d’origine arabe.
– la gnole : eau-de-vie, terme apparu entre janvier et juin 1915.
– le jus : le café
– une godasse : chaussure en cuir
– la nouba : fête. Le mot est d’origine arabe.
– un tacot : une voiture
– la barbaque : la viande
– becqueter : manger
– avoir la scoumoune : être malchanceux – le mot est d’origine algérienne
– être habillé comme une truie : le sens a un peu dévié car aujourd’hui l’expression désigne une personne vulgaire. à l’origine on disait « etre habillé comme une truie avec deux rangées de tétons » pour désigner la veste croisée à deux rangées de boutons.
On peut aussi avoir un veston de singe, c’est à dire une petite veste très courte qui laissait pendre les bras très au-dessous de sa chute.
Quelques expressions des poilus légèrement plus « imagées » :
– Les galeries Lafayettes : les tranchées
– un apprenti-cadavre : une personne ambitieuse. Vient du dicton « Qui veut monter en grade ou grimper aux honneurs risque sa peau »
– aller au boudin : partir pour le front
– se caler les dominos : manger. Les dominos sont les dents
– se faire courber une aile : être blessé
– lâcher ses crottes : laisser tomber ses bombes, en parlant d’un avion
– le pain « caca » : en réalité le Pain KK c’est à dire le pain de rationnement allemand (Kleie und Kartoffeln) à base de Son et de pommes de terre.
– égratigner le jésus : se mettre le cerveau à l’envers. On dirait aujourd’hui se prendre la tête.
– pisser dans le paquet de tabac de quelqu’un : se montrer désagréable avec lui
– recevoir la banane : être décoré de la Médaille Militaire (la medaille militaire est jaune et verte). La fourragère aux couleurs de la Médaille Militaire est appelé « l’omelette aux fines herbes »
– recevoir la tomate : etre décoré de la Légion d’honneur.
– Faire camarade : se rendre volontairement. Vient sans doute de l’exclamation prononcée par les soldats allemands lors d’une reddition : « Kamerad ! ».
– secher sur le fil : mourir accroché sur des fils barbelés
– passez l’arme à gauche : mourir. l’expression vient de la position du soldat qui, au « repos » passait son arme du bras droit au bras gauche.