Ce n’est un secret pour personne, n’importe quel livre d’histoire vous le dira : François 1er a été Roi de France de 1515 à 1547.
Ce qu’on sait moins, c’est que ça n’aurait jamais dû être le cas.
En effet, le petit François d’Angoulême, fils de Charles d’Angoulême et de Louise de Savoie appartient à la maison des Valois-Angoulème, une branche cadette de la Maison Valois (dynastie des Capétiens) dont les rejetons ne sont absolument pas destinés à régner.
Au moment de sa naissance, la branche régnante est celle des Valois-Direct en son représentant Charles VIII qui a épousé Anne de Bretagne en 1491, rattachant ainsi le duché de Bretagne au Royaume de France (en vérité le rattachement ne s’est pas fait aussi facilement et la Bretagne ne sera vraiment française qu’en 1532, mais je fais court).
Et la p’tite Anne, c’était pas une feignasse quand il s’agissait de pondre des marmots !
Un enfant tous les 14 mois en moyenne… Une vraie machine !
Comment se fait-il alors qu’aucun de ses enfants n’ait ceint la couronne et que ce soit son gendre, l’époux de sa 3ème fille (ou de la 4ème, ça dépend comment on compte) qui finisse sur le trône de France?
La réponse est bien simple… et bien triste.
Les enjeux matrimoniaux d’Anne de Bretagne ressemblant fortement à un cross-over entre Dallas et les Feux de l’amour, je vais faire simple (mais si le coeur vous en dit, je peux vous faire un papier sur le soap opéra de sa vie).
Je vous passe les tribulations des nombreuses promesses d’engagement, les fiançailles avortées, son premier mariage avec Maximilien 1er pour en arriver directement au 6 décembre 1491, date à laquelle Anne de Bretagne, duchesse de Bretagne et comtesse de Montfort, épouse Charles VIII.
Au delà des raisons politiques, les époux s’aiment bien et à peine 1 mois plus tard le ventre d’Anne commence à s’arrondir …
- – le 10 octobre 1492 : la reine met au monde un fils, Charles-Orland.
Hourra ! Un héritier !
Mais le petit meurt après avoir contracté la rougeole à l’âge de 3 ans.
– en Janvier 1493 : elle est de nouveau enceinte mais perd l’enfant (un garçon) à deux mois du terme (Aout 1494).
– au printemps 1495 : Elle accouche d’une fille mort-née.
– le 8 septembre 1496 : la reine mène sa grossesse à terme et offre un nouvel héritier à la couronne. Mais le petit Charles de France ne vit que 24 jours.
– En 1497 : naît un autre garçon, François, qui ne survit pas non plus.
– Le 20 mars 1498 : c’est une fille que l’on a juste le temps de baptiser Anne avant qu’elle ne décède.
Bilan, lorsque Charles.VIII décède à son tour le 7 avril 1498 à l’age de 27 ans(de façon complètement crétine, en se cognant la tête dans un linteau de porte), aucun des enfants qu’il a eu avec Anne de Bretagne n’a survécu.
Faute de descendance, le trône de France échoue donc à son plus proche parent mâle : son second beau-frère Louis XII (branche Valois-Orleans).
Mais il y a un hic !
Il était stipulé dans le contrat de mariage d’Anne de Bretagne qu’au cas où son royal époux décèderait sans avoir pu assurer de descendance monarchique, la reine aurait le devoir de s’unir au roi suivant et de donner un héritier au royaume (afin de maintenir le lien fragile entre la Bretagne et le Royaume de France. Vous suivez ?)
Sautant sur l’occasion, Louis XII s’empresse de faire annuler son mariage avec Jeanne de France qu’il a épousé à l’âge de 11 ans et qu’il n’aime pas du tout.
Il faut dire que la pauvre Jeanne est chétive, boiteuse, tordue, estropiée et complètement dévote.
Et puis il parait que Louis aimait déjà bien sa petite belle-soeur avant qu’elle ne soit veuve…
Bref.. le ventre d’Anne reprend donc très vite du service :
- – En octobre 1499 : la reine met au monde une fille prénommée Claude.
– En 1500 : fausse-couche.
– En janvier 1503 : Anne donne naissance à un fils, François, qui ne verra jamais février.
– Entre 1505 et 1509 : 2 fausses couches qui ne sont pas précisément datées.
– Le 25 octobre 1510 : Anne mène une grossesse à terme mais c’est une fille : Renée de France.
– En janvier 1512 : Un fils naît mais ne survit pas plus de quelques jours.
Le corps affaibli et atteinte de gravelle (calculs dans les reins et les urètres), la Reine Anne n’aura plus d’autres maternités et décèdera le 9 janvier 1514 à 36 ans.
Malgré plus d’une dizaine de grossesses, Anne de Bretagne, celle qui fut 2 fois Reine, ne donna jamais de fils à la couronne.
Seules deux de ses filles atteindront l’âge adulte : Claude et Renée.
Louis XII tentera bien encore de faire naitre des héritiers mâles de son mariage suivant avec Mary Tudor d’Angleterre, mais l’union restera stérile.
Et c’est ainsi qu’un certain François d’Angoulême, cousin de Louis XII par sa mère accède au trône en vertu de la loi salique, en 1515, sous le nom de François 1er.
Si ça c’est pas une chance de…
Et c’est justement ça qui coince.
Autant de chance, personne n’y croit vraiment et ça commence à jaser…
Alors évidemment, la consanguinité est un peu passée par là, mais suffit-elle vraiment à expliquer ce taux de mortalité infantile hors-norme ?
Déjà en 1495, à la mort de Charles-Orland (1er fils d’Anne et de Charles VIII), le futur Louis XII s’était publiquement réjouit du décès du dauphin qui le plaçait en tête de liste pour accéder au fauteuil suprême.
L’affaire avait fait grand bruit et, bien que Louis évita d’épancher sa joie lors des morts suivantes, le mal était fait.
Bien que rien n’ai jamais pu être prouvé, le doute a plané quand à l’implication éventuelle de Louis XII dans la mort des enfants du couple royal.
Après son couronnement, l’histoire se répète curieusement.
Mais cette fois-ci, difficile de porter les soupçons sur Louis.
Les regards se tournent alors vers Louise.de.Savoie, la mère du futur François 1er.
Cette dernière ne s’est, en effet, jamais cachée des grandes ambitions qu’elle nourrit pour son fils et a toujours affirmé à qui voulait l’entendre que son François serait un jour Roi de France.
Dès la naissance de Claude de France (1ère fille du couple Louis XII/Anne de Bretagne), elle engage des négociations de mariage entre la petite et son fils alors âgé de 5 ans pour lui assurer un bon parti (voire un très bon parti si Anne de Bretagne de réussit pas à donner un fils au royaume).
Mais Anne ne semble guère apprécier la retorse Louise de Savoie et son rejeton.
Elle commence par repousser l’idée de cette union en prétextant que des tractations sont déjà en cours pour unir Claude à l’héritier des Habsbourg d’Espagne; le futur Charles Quint.
(union qui aurait entre-autre avantage de permettre à la Bretagne de reprendre son indépendance à son décès).
En Aout 1501, les accords de Lyon sont signés entre la France et l’Espagne puis renouvelés en 1504 en faveur de cette union.
Mais Louis XII est plus fourbe qu’il n’y parait : il n’a consenti ces accords que pour s’assurer le soutien imperial des Habsbourg dans la guerre qu’il mène en Italie.
Hors de question que la Bretagne quitte le giron français.
De plus, unir sa fille à l’empire des Habsbourg d’Espagne exposerait la France à l’ennemi sur plus de la moitié de ses frontières.
Dès Avril 1501, avant même les accords de Lyon avec l’Espagne, il aurait donc scellé un pacte secret avec Louise de Savoie, dans le dos de son épouse.
Il y affirme qu’aucune union de sa fille Claude ne saurait être valide à part avec François.
Avec ce pacte, Louise de Savoie s’assure que son fils sera bien Roi de France, duché de Bretagne inclus, si le couple royal venait à s’éteindre sans descendance mâle.
Et bien étrangement, tous les fils de Louis XII meurent au berceau…
L’union de Claude de France et François 1er aura bien lieu le 18 Mai 1514 suite à un dernier stratagème de Louis XII pour faire valider son pacte fourbe auprès de son épouse.
En mai 1506, il convoqua un semblant d’Etat-Général à Tours afin de trancher la question du futur époux de Claude par le peuple : Charles ou François ?
Bizarrement, depuis quelques temps, des rumeurs hostiles au Habsbourg d’Espagne circulent dans la capitale et tout naturellement, les français choisissent le prétendant du cru.
Et Anne n’eut d’autre choix que de s’incliner
Finalement, l’histoire nous donne de multiples raisons de nous réjouir de cette union :
Bien que la Reine Claude compta un peu pour des prunes (ouhhh elle était facile celle-là…), François 1er fut un roi assez exceptionnel : chevalier, unificateur mais aussi bâtisseur, protecteur et mécène des lettres et des arts… et leur règne marqua un tournant indéniable dans la Renaissance.
Pourtant on ne peut s’empêcher d’avoir de l’empathie pour Anne de Bretagne; cette double Reine farouche, qui défendit si ardemment sa Bretagne et ses (rares) enfants… et se demander si la maman qu’elle a été ne fut pas sacrifiée à l’autel des enjeux politiques.